Pouvez-vous nous indiquer certaines de vos techniques d'écriture, et de mise en scène ?
Souvent le scénario déja écrit m'échappe, alors, je suis quelques lignes de force cachées qui avancent comme des chemins imaginaires, des créatures sans queue ni tête, ou plutôt avec juste des queues qui battent un rythme pour progresser. J’aimerais que mes films soient comme des battements de cœur. Une pulsation plus qu’un sens.
Concernant Danube, Prélude pour 3 Visages et 2 Frères, il fallait aussi que le tournage soit compatible avec le voyage en canoë (toujours en mouvement avec très peu de pauses).
Au début, peut-être du fait de cette position et de ces contraintes, il n’y avait rien. Mais à force de regarder et de regarder, une image se levait et je la voyais enfin. Toutes les scories s’en allaient et il y avait une fenêtre. Pour voir à travers celle-ci, je suis tout le temps aux aguets. Pour qu’arrive une image. Une image qui doit dire oui, mais aussi une image souvent décevante au départ. Il faut à la fois une certaine modestie mais aussi de la vanité pour oser accepter son intuition. Ça va tout le temps de l’humilité à la vanité. C’est dans ce balancement que j’écris.
Pendant ce tournage, j’étais également balancé entre des éléments prosaïques (le quotidien du voyage, par exemple, ou la phrase du jour, que je demandais aux deux frères de me dire, et qu’ils devaient trouver eux-mêmes tandis qu’ils piochaient de leurs pagaies dans le Danube) et l’idée poétique et sacrée que le fleuve est une force tragique. Tournant sans savoir quel film j’allais faire, j’étais dans une position difficile, mais je pensais que dans tout chaos il y a la possibilité d’une harmonie et que ce pari était la matière même du film.