un film de Jean Seban (2012)

Ecole Normale Supérieure

« Il y a dans l’idéal du recommencement quelque chose qui précède le commencement lui-même. »

En essayant d'enregistrer une pièce de théâtre, il oublie son nom et mendie ses images. Variations autour d’un spectacle de Patrice Bigel. Avec Brigitte Barilley, Bettina Kunlke, Jean-Sébastien Bach, Christophe Clair, Jaime Laredo, Joêl Zaffarano, Jocelyne Ricci, Jean- Michel Marnet, Serpentine Teyssier, Brigitte Seth, Anja Maedel, Jean-Charles Clair, Agnès Chaigneau, Valérie Deronzier, Gleen Gould,  BWV 101018, .

La Première image ?

Un film

1992, 29 min (extrait)

déchiffrage

films

L'invention de l'année
 2014 LInvention_de_lannee_2017.htmlLInvention_de_lannee_2017.htmlLundi.htmlLInvention_de_lannee_2017.htmlshapeimage_1_link_0shapeimage_1_link_1shapeimage_1_link_2

Flagrant délit de

à L'Usine Hollander, Compagnie la Rumeur

1, rue du Docteur Roux, Choisy-Le-Roi

Projection de "Flagrant Délit de Mensonge

avant le spectacle le 29 mai  2015à 20h

et le 11 septembre 2015 à 20 h

Cinéma et Théâtre

Le théâtre, c’est peut-être la disparition, car chaque représentation est unique, et une fois les lustres de la salle rallumés, ce moment s’évanouit, et jamais la pièce ne se révèlera de la même manière. L'émouvante direction de Patrice Bigel, jouait d'ailleurs particulièrement avec cette fragilité temporelle.

Au cinéma, au contraire, le film est reproductible à l’identique indéfiniment, même s’il peut exister chez le spectateur une sensation de voir un film différent à chaque projection.

Le pari en 1990 était de filmer une pièce de théâtre. Un pari problématique puisque le sujet du théâtre est peut-être la disparition, en opposition avec celui du cinéma, qui serait la présence :

C’est l’histoire d’un film tourné il y a 25 ans autour de la mise en scène de la pièce de Valérie Deronzier et Patrice Bigel : Flagrant Délit de mensonge, et projeté aujourd’hui avant une nouvelle mise en scène de la pièce.

La disparition touche aussi au théâtre, le cadre ; après un lever de rideau où il existe encore, le cadre se dissout sous le regard du spectateur qui peut se focaliser à un endroit de la scène, recomposer un espace en fonction d’un choix qui lui est propre, alors que le spectateur de cinéma doit se plier au choix fait par le réalisateur, d’autant plus que l’image sur l’écran n’est jamais aussi définie et multiple que celle de la réalité de la scène.

Enfin on pourrait dire, paradoxalement, que le théâtre est le lieu de la disparition de l’acteur. L’acteur, comme le funambule, provoque tout à la fois chez le spectateur le souhait qu’il réussisse son numéro et le désir plus trouble qu’il tombe. Ainsi placé sous le désir ambivalent du spectateur, l’acteur au théâtre n’est pas vraiment sur scène : intermittent, il oscille entre celle-ci et une scène fantôme sur laquelle le spectateur le projette à mesure qu’il le voit évoluer, espérant tout à la fois qu’il ait une perte de mémoire et qu’il  incarne parfaitement son rôle... Et ce, tandis qu’au cinéma l’acteur est fixé à la pellicule et porte une réussite qui est en même temps sa tombe. Autrement dit : au cinéma on voit des morts revivre et au théâtre on voit des vivants disparaître.

À présent, il n’y a dans le film et la pièce réunis, nulle part de lieu, d’acteurs scellés dans un espace ou dans un temps. Le temps perdu de ce film, qui avait tenté vainement de représenter une pièce qui disparaissait au fur et à mesure que l’on tentait de la fixer, devient un temps gagné : du fond de ce temps passé, un arc tendu projetait le film bien plus loin que sa contemporanéité ne pouvait le faire pour dialoguer enfin avec l’antique histoire de cette ancienne mise en scène, machine à disparaitre, comme il était désormais devenu. Ce film et cette ancienne mise en scène se regardent, reliés par un arc lumineux qui est celui de leur discussion avec le temps, tandis que la mise en scène d’aujourd’hui, rayonnante et seule face à son maintenant, dans l’arrogante présence de toute représentation théâtrale recommence l’histoire du théâtre sans le cinéma.

Vingt-cinq ans plus tard plus tard, le 29 mai 2015, le film fut projeté à nouveau, avant une représentation de la même pièce dans une nouvelle mise en scène de Patrice Bigel.

Au fond d’un tiroir, dans un format obsolète, ne correspondant à aucune actualité, le film avait lui-même disparu. Ces images fixaient des corps d'un autre temps, des corps qui parlaient dans une scénographie recouverte par les marées sableuses de l'oubli.

La bobine, dans son coin, avait travaillé à sa disparition, sans même avoir été déroulée. Maintenant disparu, le film allait pouvoir enfin, du fond de son absence, dialoguer dans l’absence avec l’ancienne mise en scène, fatalement et heureusement dans l’absence depuis toujours.

Si le cinéma n’est là que pour empêcher le monde de disparaitre, comment retransmettre l’évènement théâtral ? Peut-être ne reste t-il au cinéma qu’un chemin vers la rumeur, d’une musique, musique du théâtre qui disparait au fur et à mesure que l’on s’en approche. Un chemin traversé par la plainte d’un chant fantôme. Le chant d’un théâtre dont la beauté est de perdre ses repères avec le temps, l’espace et la présence de l’homme lui-même. Un chant qui devient pour le cinéma face au théâtre, celui d’une absence des repères rassurants mais désolants d’une présence.

Dès lors, comment filmer un espace théâtral qui de disparition en disparition, nous donne la vie même ? La vie est là, et sa fragilité, le fait qu’elle puisse nous être enlevée à tout moment, est justement ce qui la définit et la fait exister. Comment représenter le théâtre en passant par une écriture cinématographique, vissée à une extrême présence qui est en fait un semblant d’apparence reproductible ? Comment rendre, par un art de l’apparition, un art de la disparition ?

03/2016

Ircam, Hétérophonies théâtrales (Séminaire Babel)

Projection de "Flagrant Délit de Mensonge"

Samedi 11 mars 2016

1 Place Igor-Stravinsky,

75004 Paris